Un article dans la revue électronique d'ALEPH "L'INVENTOIRE", paru le 26 octobre 2021
Chaque mois, un animateur d’Aleph-Écriture parle du livre qui l’a captivé dans cette rentrée.
Dans cet article, Arlette Mondon-Neycensas nous parle du Voyage dans l’Est, qui vient de se voir décerner le Prix Médicis 2021.
J'ai lu au mois d’août le livre de Christine Angot, avant qu’aucun commentaire critique ne soit paru dans les médias. Lectrice de Christine Angot j’ai toujours pris son écriture au sérieux, quitte à me faire bousculer. Peut-être parce-que durant de nombreuses années j’ai travaillé avec de jeunes victimes d’inceste. Je me suis souvent interrogée sur la transgression de cette loi universelle qui interdit l’union d’un père avec sa fille ou d’une mère avec son fils, ce qui constitue le fondement de notre civilisation. Cette transgression continue à être irreprésentable. Ce n’est pas par hasard si Œdipe a été le seul à déchiffrer l’énigme de la Sphinge comme s’il était l’unique dépositaire d’un savoir insu de lui même, qui l’a propulsé malgré lui dans la pire des tragédies.
Le voyage dans l’Est reprend ce que l’autrice a écrit et décrit durant ces vingt dernières années. Dans cette recherche obstinée elle arrive à nouer la succession d’évènements, de lieux, de traumatismes vécus : la relation perverse que son père lui inflige, la sidération de la mère qui ne peut que s’exprimer par le désordre soudain de son corps, la soumission aveugle envers cet homme qu’elle hait et admire, la découverte du silence de tous ceux qui savaient, et ils étaient nombreux : la mère, la demi-sœur, l’amant qui profitera sexuellement du désarroi de l’adolescente ; plus tard le mari qui ne dira rien quand il entendra le lit dans lequel la jeune femme est allée rejoindre son père, grincer....